Nadja
est composé de trois grandes parties :
- un préambule (jusqu’à « Le 4 octobre » p. 71)
- le récit de sa rencontre avec Nadja (p. 71 à 172 « Est-ce moi-même ? »)
- une conclusion ou épilogue
Le Préambule

Le préambule de Nadja s’ouvre par l’interrogation « Qui suis-je ? » suivie d'une réflexion sur le genre littéraire de la biographie, ses obstacles et ses enjeux. Toute la première partie du livre est écrit au présent, celui de la vérité générale et de l’essai théorique ; Breton y expose sa démarche de (auto)biographe :

[...] je trouve souhaitable que la critique, renonçant, il est vrai, à ses plus chères prérogatives, mais se proposant, à tout prendre, un but moins vain que celui de la mise au point toute mécanique des idées, se borne à de savantes incursions dans le domaine qu’elle se croit le plus interdit et qui est, en dehors de l’œuvre, celui où la personne de l’auteur, en proie aux menus faits de la vie courante, s’exprime en toute indépendance, d’une manière souvent si distinctive.

(pp. 11-12)

Pour illustrer ce propos, il cite au cours des pages suivantes quelques anecdotes et « petits détails » de la vie et l’œuvre de divers artistes, comme Hugo, Flaubert, Courbet, Chirico (voir échos 4)et Huysmans (voir échos 2). C’est d’ailleurs en affirmant ses points communs avec ce dernier, qui selon lui marque la fin de « la littérature psychologique à affabulation romanesque », que Breton définit sa propre sensibilité (p. 16), celle qu’il porte aux choses infimes et aux détails.
Il présente ensuite très précisément son projet littéraire :

Je n’ai dessein de relater, en marge du récit que je vais entreprendre, que les épisodes les plus marquants de ma vie telle que je peux la concevoir hors de son plan organique, soit dans la mesure même où elle est livrée aux hasards, au plus petit comme au plus grand, où regimbant contre l’idée commune que je m’en fais, elle m’introduit dans un monde comme défendu qui est celui des rapprochements soudains, des pétrifiantes coïncidences, des réflexes primant tout autre essor du mental, des accords plaqués comme au piano, des éclairs qui feraient voir, mais alors voir, s’ils n’étaient encore plus rapides que les autres. Il s’agit de faits de valeur intrinsèque sans doute peu contrôlable mais qui, par leur caractère absolument inattendu, violemment incident, et le genre d’associations d’idées suspectes qu’ils éveillent […]

(pp. 19-20)

Il se propose donc de narrer les épisodes marquants, les « signaux de la vie », les faits qui surgissent du hasard et qui captivent l’attention, pour peu que l’on garde ses sens en éveil. Deux types de faits l’intéressent particulièrement, ceux qu’ils appellent les « faits glissades » et les « faits précipices » :

Il y aurait à hiérarchiser ces faits, du plus simple au plus complexe, depuis le mouvement spécial, indéfinissable, que provoque de notre part la vue de très rares objets ou notre arrivée dans tel et tel lieux, accompagnées de la sensation très nette que pour nous quelque chose de grave, d’essentiel, en dépend, jusqu’à l’absence complète de paix avec nous-mêmes que nous valent certains enchaînements, certains concours de circonstances qui passent de loin notre entendement, et n’admettent notre retour à une activité raisonnée que si, dans la plupart des cas, nous en appelons à l’instinct de conservation. On pourrait établir quantité d’intermédiaires entre ces faits-glissades et ces faits-précipices.

(pp. 20-21)

Après cette entrée en matière théorique des premières pages, le ton du livre change : les paragraphes se font plus courts tandis que les images apparaissent. Breton présente une suite de ces faits si importants pour lui, sans ordre particulier ni commentaires, mais qui sont illustrés par des photographies :
- l’hôtel des Grands Hommes
- la première rencontre de Paul Éluard
- l’enseigne Bois-Charbons
- la visite d’une femme inconnue envoyée par Benjamin Péret
- Nantes
- Robert Desnos et ses hallucinations
- « L’Étreinte de la Pieuvre », un film qui l’a frappé
- les salles de cinéma parisiennes
- le long souvenir d’une pièce de théâtre, Les Détraquées au Théâtre des Deux Masques qu’il raconte (p. 45-59). Son intérêt pour cette pièce tient à l’analyse psychiatrique qui s’y devine
- d’autres rencontres et faits liés à Arthur Rimbaud
- la visite de la dame au gant (Lise Meyer)
- l’enseigne de la Maison Rouge

Le préambule s’achève par une exhortation à traquer l’événement fortuit dans la rue :

J’espère, en tout cas, que la présentation d’une série d’observations de cet ordre et de celle qui va suivre sera de nature à précipiter quelques hommes dans la rue, après leur avoir fait prendre conscience, sinon du néant, du moins de la grave insuffisance de tout calcul soi-disant rigoureux sur eux-mêmes, de toute action qui exige une application suivie, et qui a pu être préméditée. Autant en emporte le vent du moindre fait qui se produit, s’il est vraiment imprévu.

(p. 68)

Le programme du récit autobiographique est dès lors établi, Breton va s’attacher à décrire les faits marquants d’une époque de sa vie, place à présent à « l’entrée en scène de Nadja. » (p. 69)

Suite Accueil