Un type particulier d’image : les dessins de Nadja.

Les dix dessins de la main de Nadja reproduits apparaissent dans le dernier tiers du livre, entre la page 123 et la page 163. Leur première fonction est d’authentifier l’existence de la jeune femme, telles des preuves matérielles de leur rencontre.


Le masque rectangulaire, p. 123.

La Fleur des amants, p. 139.

La sirène, p. 141

Le rêve du chat, p. 142.

La Main, p. 144.

Le Salut du Diable, p. 145.

Le bouclier d'Achille, p. 147.

La Sirène, p. 148.

Qui est-elle ? p. 145.


L'âme du blé, p. 163.

La deuxième fonction est de présenter le personnage de Nadja, non pas au travers d’un portrait « classique », mais à la manière d’un graphologue pourrait-on dire, par le truchement de sa production graphique et des symboles qu’elle y emploie. L’énigmatique dessin du masque rectangulaire (p. 123) est partiellement expliqué par son auteur :

Elle veut bien m’éclairer les quelques éléments de ce dessin, à l’exception du masque rectangulaire dont elle ne peut rien dire, sinon qu’il lui apparaît ainsi. Le point noir qu’il présente au milieu du front est le clou par lequel il est fixé ; le long du pointillé se rencontre d’abord un crochet ; l’étoile noire, à la partie supérieure, figure l’idée. Mais ce qui, pour Nadja, fait l’intérêt principal de la page, sans que j’arrive à lui faire dire pourquoi, est la forme calligraphique des L.

(p. 124)

Ici, le texte devient commentaire de l’image, tentative de décryptage des symboles. (Le clou renvoie quant à lui au tableau de Braque p. 150.) En montrant les dessins de Nadja et en rapportant les explications qu’elle lui en donne, le plus objectivement possible, il décrit sa personnalité, sa technique, sa vision du monde.
Mais on le constate, l’analyse de Nadja n’épuise pas toujours toutes les significations du dessin : sa parole, le texte, atteignent une limite au-delà de laquelle commence le profond mystère de Nadja.


Le masque rectangulaire, p. 123.


Le clou et la corde extérieurs au personnage qui m'ont toujours intrigué... p. 150.

Dans Nadja, l’image photographique n’est donc pas uniquement une illustration du texte ou un artifice destiné à éviter de descriptions prétendument ennuyeuses. Elle sert à témoigner objectivement du réel, à prouver la véracité du récit. Bien plus, en disant ce que le texte ne parvient pas à dire, elle évoque une réalité différente, supérieure, à travers le symbole qu’elle recèle, à travers aussi des correspondances souterraines, entre le texte et l’image ou entre plusieurs images. Elle propose une lecture alternative de l’œuvre qui n’est plus linéaire : tel élément d’une image renvoyant à une autre (le clou, le dallage, le regard des voyantes...), elle invite au détour, au retour en arrière ou à l’anticipation.

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