Lettre 5 Date inconnue

Mon feu,
J’aurai voulu vous téléphoner mais je suis par trop nerveuse et je crains de vous sentir anxieux. Je ne sais ce qui me donne ces idées. C’est peut-être d’avoir trop penser – ou pas assez – pourquoi je ne sais… Je n’ai pourtant plus de forces, oh tant pis, ce n’est pas assez.
J’aurai voulu savoir, savoir ce que tu penses, mon adoré… pardonne tu sais que je suis ton esclave et que tu es mon tout mais je voudrais encore plus, je voudrais prendre toutes tes peines, souffrir à ta place.
Je veux que tu sois heureux.
Tu es fort, beau, bon, il faut aussi que tu sois le maître et que tous tes respectent comme je t’aime.
Nadja
Demain je ne veux pas te voir.
Embrasse ma bouche, tu la tiens si bien.

Lettre 6 Date
À André,
Vers d’autres horizons…
et vers d’autres lumières !...
Quand ton soufle brûlant pénètre dans mon cœur
Comme un baume sacré, vulnérisant ( ?) et pur
Balayant les cahots de sa force magique
Desserant mes viscères, ses griffes du néant
Alors mon sang figé se remet à couler
Dans les frêles vaisseaux où la mort s’est glissée
Mais vous ne m’avez pas vu, Oh maître de ma vie
Revivante ( ?) ardeur, bouillantes parcelles d’or !!!
Et vous ne savez pas que Nadja est éprise
Du merveilleux miroir où glisseront les heures
Je vous ai déjà dit que le temps est taquin
Le mystère nous tient dans son X flottant
Pour fouiller pour creuser il faut une pioche
Pour comprendre l’amour il suffit d’un baiser
Nadja
[à l’arrière-plan du texte est dessiné un cœur]

 

Lettre 7 Date : 01/11/1926 [Papier à en-tête du Café Terminus, gare St-Lazare]
Paris le 1er
André,
Comment avez-vous pu m’écrire de si méchantes déductions de ce qui fut nous, sans que votre soufle ne s’éteigne ?
C’est la fièvre n’est-ce pas ou le mauvais temps qui vous rendent ainsi anxieux et injuste !
Qu’ai-je fait de si mal ? pour voir mes meilleurs et plus nobles sentiments s’égarer dans votre courroux ?
Comment encore ai-je pu lire ce compte-rendu… entrevoir ce portrait dénaturé de moi-même, sans me révolter ni même pleurer. Car mes yeux pétrifiés sont restés aussi clairs pour revoir toujours de même mon cœur bat avec force mais régulièrement.
Mes lèvres remuent avec ferveur pour me rappeler seulement un baiser nacré.
Nadja XXX [trois X suivis d’un dessin schématisé de femme]
Si par hasard, vous êtes là demain mardi, je serai chez moi à 4Hres et avant même.
Nadja.

Lettre 8 Date : 15/11/1926 [Papier à en-tête du caféTerminus]
Le 15/11/26
Mon aimé,
Que fais-tu alors que mes souvenirs s’échafaudent ? à quoi penses-tu ? Te rappelles-tu un peu… Mais qu’ai-je donc… Il me semble par moments que ma volonté s’en va, loin, là-bas… auprès de toi. Je ne suis qu’une petite chose inerte et perdue, perdue dans la foule… perdue dans mes souvenirs… perdue dans mes phrases aussi ! Je reste là suspendue dans ce rêve… Il y a toi d’abord, toi avec tes cheveux, tes yeux et tes lèvres… puis moi toute petite, guettant un aveux… le plus tendre aveux de ma vie… puis tout se transforme en un souvenir et je te revois avec moi… mais dans cet autre monde… où nous sommes que deux… moi, nerveusement grisée par ton soufle, tour à tour enfantine, sérieuse, rigolotte enfin, puis peureuse, celle qui te craint, celle qui se réfugie contre ton sein gonflé de bonheur et qui te serre désespérément pour te conserver malgré tout et contre tout. C’est si grand m’amour cette union de nos deux âmes, si profond et si froid cet abîme où je m’enfonce sans jamais rien atteindre sans rien étreindre de l’au-delà. Et puis quand je reviens toi tu es là… et tes grands yeux me fixent et je te touche je te reviens, tu es tout ce qui a de mieux et je t’étreinds toi – toi tu es là – mais la mort elle aussi elle est là, oui elle est là derrière toi, mais qu’importe
Je ne peux finir
Nadja
15/11/26

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