Introduction Lorsque l’on feuillette pour la première fois Nadja d’André Breton, on remarque immédiatement l’abondante illustration photographique et le dispositif particulier du livre. Ainsi, au gré des pages, on rencontre des photographies de lieux, de différents personnages et d’artistes, d’objets, de textes, de dessins, d’œuvres d’art... Chacune de ces images en noir et blanc est légendée non par un titre mais par une citation qui indique à quel emplacement du texte ces clichés doivent être insérés. |
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La première
photographie de Nadja représente un immeuble, l’hôtel
des Grands Hommes, situé au 9 place du Panthéon à
Paris. Elle a été prise par Jacques-André Boiffard,
un membre du groupe surréaliste, qui est également l’auteur
de diverses vues de la capitale utilisées par Breton. «
Je prendrai pour point de départ l’hôtel des Grands
Hommes, place du Panthéon, où j’habitais vers 1918...
» (p. 24) C’est dans cet hôtel dont le nom reprend la fameuse devise républicaine « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » qu’André Breton avait quelques années plus tôt établi son quartier général, non sans irrévérence. Au
premier plan de l’image, une grille symbolise un obstacle pour
accéder à l’hôtel. Derrière cette grille,
une statue de Jean-Jacques Rousseau, philosophe des Lumières,
détourne ostensiblement le regard. Les lignes horizontales formées par la grille, la bande du trottoir, la balustrade de l’immeuble et ses étages, se croisent avec les lignes verticales des piquets de la grille, de la statue, des fenêtres et des murs du bâtiment. La roue du tombereau, unique courbe de l’image avec certaines fenêtres, semble concentrer vers elle les lignes de force de la photographie et en constitue le centre de gravité. La roue, c’est ce qui tourne, ce qui fait avancer, c’est aussi le symbole du destin en mouvement et ce n’est pas un hasard si André Breton a choisi ce cliché pour « point de départ ». Pour les surréalistes, chaque élément, même le plus fortuit, surtout le plus fortuit, possède une signification profonde. |
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Dans Nadja, l’image, comme le montre le rapide survol de cet exemple, possède un sens qui lui est propre. Elle ne doit pas être considérée comme une simple illustration mais comme un enrichissement du texte, une ouverture sur un autre livre, sur une autre réalité, qui dépasse le domaine de la littérature traditionnelle. | |
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